Mendiants et orgueilleux Albert Cossery
Egypte : Le Caire au milieu du XXème siècle : la ville européenne et la ville indigène.
Meurtre sans mobile d’une prostituée dans une maison close.
Dans cette ville indigène où grouillent la vermine, les hommes tronc et leurs mégères et toutes sortes de loqueteux, le policier, représentant de la société de répression dans un régime autoritaire voire totalitaire, se heurte à la suprême condition de ces êtres décivilisés : les mendiants face à tout régime politique, aussi totalitaire fût-il, n’ont rien à perdre et opposent à la folie barbare de la civilisation une indifférence qui rend cette dernière comme impuissante à régner selon ses propres dogmes inadaptés à la nature.
Ou comment résister au totalitarisme (ou par extension à toute domination civilisatrice), non pas par la révolte mais par l’indifférence généralisée, qui rend vaine toute tentative et tout effort de dressage.
Malgré les monstres qui peuplent ce livre, la misogynie de l’auteur quelque peu irritante (la femme s’incarnant soit dans la maman, la mégère ou la putain), on s’attache au déroulement de l’histoire avec ses personnages de la cour des miracles, car le livre donne accès à la réflexion sur la civilisation et l’état proche de celui de nature en général, et plus particulièrement sur la dictature politique. Grâce au roman, on s’immerge (et s’imagine) dans un autre mode de vie, libéré du carcan d’une société oppressante.
Mais les personnages sont-ils aussi libres qu’ils le
pensent ? Gohar, par exemple, l’ex-philosophe converti à la mendicité, mais accro
au haschisch,quid de sa liberté ?
Ce livre m’a paru être un pied de nez aux civilisations modernes en tout genre finalement.
Que l’on soit, nous, représentants de la société civilisée occidentale, comme le policier, choqués par les prétentions de l’homme tronc à séduire toute femme (en plus de la marque tératologique : le sceau d’une misogynie à peine voilée (sic) de la femme bonne qu’à convoiter le phallus sans pattes), on perçoit à travers tous ces personnages de misère la richesse qui leur échoit : la liberté. Théoriquement intéressante, je ne crois pas que cette idée de liberté absolue ne soit autre chose qu’une vague utopie.
Le livre, à l’écriture simple et fluide se laisse facilement lire, happé que l’on peut être autant par la répulsion que provoque chez le lecteur la compagnie de ces personnages hideux, que par le questionnement qui en émerge.